Utilisé comme outil de développement psychosocial, le sport peut contribuer à l’amélioration de la santé mentale à l’échelle du continent africain.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». La santé mentale englobe la promotion du bien-être, la prévention des troubles mentaux, le traitement et la réadaptation des personnes atteintes de ces troubles. Si l’impact positif du sport sur la santé physique n’est plus à démontrer, les interventions basées sur l’activité physique pour promouvoir la santé mentale et prévenir les troubles mentaux courants tendent également à se démocratiser.

La santé mentale, parent pauvre de la santé publique en Afrique

La majorité des pays africains comptent un psychiatre pour 500 000 habitants et moins de 10 % de la population du continent peut accéder à des soins en santé mentale. Pourtant, 10 % de la population africaine serait affectée par un trouble mental et la prévalence augmente en zone de conflits, où une personne sur cinq souffre de troubles mentaux comme la dépression, l’anxiété, l’état de stress post-traumatique, les troubles bipolaires ou la schizophrénie (ONU Info, 2020). D’autres problématiques telles que le déplacement forcé, la pauvreté, les maladies transmissibles et la malnutrition ont un impact négatif sur la santé mentale.

S’il appartient à chaque pays de formuler une politique de santé mentale fondée sur ses propres réalités, l’OMS préconise d’intégrer une composante santé mentale dans les soins de santé primaires, ce qui pourrait constituer un levier essentiel à la mise en place d’une stratégie de prise en charge des troubles mentaux, sur un continent « partagé entre tradition, modernité et en proie à des mutations politiques, sociales et culturelles » (Mbodie N’Guimfack, 2001, p. 466).

Promouvoir la santé mentale à travers l’activité physique

Des études épidémiologiques récentes témoignent de l’intérêt grandissant pour l’activité physique en matière de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux courants (INSPQ, 2015, p.2). La promotion de la santé mentale consiste à maximiser et protéger le bien-être de l’ensemble d’une population, en s’attardant sur les conditions individuelles, sociales ou structurelles. La prévention se concentre sur la réduction des facteurs de risque associés aux troubles mentaux auprès de groupes jugés vulnérables.

L’activité physique agirait ainsi sur trois principaux mécanismes :

  • Les mécanismes biologiques, en stimulant la sécrétion de monoamines et d’endorphine, reconnues pour leur effet antidépresseur, analgésique et déstressant ;
  • Les facteurs psychologiques, en renforçant l’estime de soi et le sentiment d’auto-efficacité ;
  • Les mécanismes sociaux, en renforçant l’intégration sociale et le sentiment d’appartenance, notamment à travers les activités physiques récréatives pratiquées en groupe.

Plusieurs pays africains ont récemment élaboré une stratégie pour la santé mentale. Si le potentiel du sport n’y est pas mentionné, des organisations de la société civile misent déjà sur l’activité physique pour améliorer la santé mentale. Par exemple, l’association Sport for Us, à travers l’initiative Sport Party, favorise l’inclusion des populations les plus défavorisées au Cameroun et utilise le sport pour lutter contre l’oisiveté et la consommation excessive de substances psychoactives. L’association Fight for Dignity, quant à elle, propose un programme de karaté spécifiquement adapté à l’état physique, psychique et social des femmes survivantes de violences sexuelles au Congo. Dispensé en partenariat avec la Fondation Panzi, ce programme sportif contribue à leur réinsertion dans la société.

Sport et santé mentale : de la résilience à l’autonomisation

De 2012 à 2016, la Swiss Academy for Development (SAD) et l’ONG Community Psychosocial Support Organisation (CPSO) ont mené le programme Women on the Move, visant à la réhabilitation psychosociale des femmes déplacées victimes de la guerre civile au Soudan du Sud. En participant à des activités sportives et récréatives adaptées, elles ont pu surmonter leur anxiété, retrouver confiance en elles et partager leurs expériences dans un cadre protégé. En dehors du terrain de jeu, elles bénéficiaient d’une thérapie des traumatismes et pouvaient aborder les problèmes résultant des traumatismes de guerre comme l’alcoolisme et la violence domestique.

Depuis 2009, l’ONG Waves for Change gère un programme de thérapie par le surf destiné aux jeunes sud-africains issus de milieux défavorisés et plus susceptibles d’être confrontés à des événements traumatisants (témoins ou victimes de violence, pauvreté). Ce programme souhaite répondre à leurs besoins en matière de psychologie, de développement et de bien-être, prévenir les comportements à risque et pallier le manque d’accès aux soins en santé mentale. Les séances hebdomadaires de thérapie par le surf mettent les jeunes en relation avec des adultes bienveillants, les aident à construire une image de soi positive et leur offre un répit vis-à-vis du stress qu’ils subissent quotidiennement.

Basés sur l’activité physique, ces programmes contribuent donc à améliorer la santé globale de leurs bénéficiaires et renforcent leur capacité de résilience, ce qui a un impact positif en termes d’autonomisation. A l’heure où, en Afrique comme ailleurs, la pandémie de COVID-19 augmente la demande de services en santé mentale, le sport représente un moyen peu couteux et universel de promouvoir la santé physique comme mentale, et par extension le développement humain.